Texte
de Jean-Max
Créée en 1901, la société MECCANO fut
rachetée par la General Mills (Etats-Unis) en 1976. Depuis octobre 1985, elle
fait à nouveau partie du patrimoine national.
Marc Rebibo, son
actuel PDG, veut diversifier la marque, en effectuant un retour à ses origines.
Le
nouveau Pdg, Monsieur Marc Rebibo
Entré de l’usine lors du rachat.
Là où les américains ont baissé les bras
il y avait un défi à relever, affirme haut et fort Marc Rebibo,
le Pdg de Meccano. Mais quel est donc ce fameux
challenge ?
Il s’agit tout simplement de redresser une
marque qui était quelque peu retombée dans l’oubli. Comment ? Eh bien il
faut diversifier le produit.
Diversifier, oui mais pas n’importe de
quelle façon. Meccano doit assumer son histoire, reprendre l’époque des trente
glorieuses, il se vendait dans les années 30 plus de trois millions de boîtes
dans le monde.
La stratégie est claire : la marque
doit effectuer un retour aux sources. Renouveler les boîtes évolutives.
Aussitôt dit, aussitôt fait : Meccano va lancer de nouveaux produits, dés le premier janvier 1987.
A commencer per une ligne de vêtements
pour enfants de 0 à 14 ans. En juillet 1987 sortira toute une série de produits
de papeterie : Cartables, classeurs, stylos et autres accessoires.
Ces deux gammes de produits dérivés ont
été conçues par un bureau de création, dont la réalisation est à mettre à
l’actif de Meccano, en accord avec la société Socotextile,
pour que tous les produits soient coordonnés.
C’est
donc le nom générique de la marque qui va servir de fil conducteur à la
diversification des activités de la société. A cet effet Meccano a choisi
délibérément la voie du licencing (cf. encadré).
LES DROITS DERIVES
DE MECCANO
La diversification de la marque Meccano a
donné lieu à la signature de quatorze contrats de licence avec des sociétés
françaises et italiennes.
Notamment pour la papèterie (stylos,
cartables, classeurs, accessoires…), mais aussi pour une ligne de vêtements.
Des contrats qui se traduiront par le
reversement de royalties de l’ordre de 10 % au compte de la société Meccano.
C’est donc la marque Meccano qui servira de « vecteur de
diversification ».
Chacun de ces contrats prévoient un
minimum garanti d’environ deux cents mille francs, versé au départ à la société
Meccano par ses différents partenaires.
Quant au budget publicité, Meccano l’a
confié à l’agence : A Prime Conseil, et il sera alimenté par un
prélèvement de 3 % sur tous les produits dérivés.
Mais plutôt que de faire appel à un agent
en droits dérivés, Marc Rebibo a préféré s’attaché le
service de François Juhel, au poste de directeur du
Marketing.
François Juhel,
actuel gérant de la Sem (société d’exploitation de marques) est un spécialiste
dans la recherche d’industriels attirés par le licencing.
Il a donc mis au point toute une stratégie
de développement, et il sera personnellement intéressé aux résultats financiers
de cette opération.
L’UNIVERS DES
ENFANTS
Mais est-il vraiment exceptionnel de se
lancer dans les produits dérivés ?
En fait, François Juhel,
a une autre prétention : celle de revenir au concept originel de Meccano,
à savoir l’idée d’assemblage, le « faites le vous-même ».
Au début de l’année 1988, des meubles
Meccano, des vélos Meccano, du matériel de camping Meccano, le tout en kit, à
monter à la maison, seront sur le marché.
Mais le positionnement de tous ces
produits n’a pas varié : la cible avouée reste : l’univers des
enfants ». Quant à la commercialisation, l’objectif de Meccano sera, bien
sûr, la grande distribution.
Ce retour aux sources ne s’arrête pas
là ; le logo de la marque, lui aussi, va changer. Celui-ci avait été modifié
au moment du rachat de la société par les américains, il y a dix ans.
François Juhel,
lui a décidé de revenir à l’ancien logo Meccano.
Un tel essor ne pouvait qu’être soutenu
par un budget publicitaire important. Marc Rebibo a
donc confié un budget d’un million de francs, soit 5 % du chiffre d’affaires
1986 (20 MF), A Prime Conseil.
Cette campagne a déjà commencé sur le
petit écran et se poursuivra jusqu’au 10 décembre prochain, soit 125 messages
de 3 ‘’ et 6 ‘’ sur A2, FR3 et Canal + :
Une véritable campagne d’image de marque,
avant même la sortie des premiers produits, pour réveiller la notoriété de
Meccano.
Marc Rebibo
prévoit même, pour 1987, un chiffre d’affaires commercial non consolidé de 100
MF.
François Juhel,
qui a mis son savoir-faire au service de la société, n’est pas en cours
d’idées, puisqu’il projette pour 1988, une diversification dans le domaine du
jouet.
Cette fois il veut l’étendre à la
robotique et à l’informatique. Mais si ces jouets sont livrés en kit, messieurs
les pères de famille, je vous souhaite bien du plaisir !
LA METAMORPHOSE DE
MECCANO
COMMENT MECCANO SE
RECONSTRUIT
REDRESSEMENT
Un jeu de
construction célébrissime, une marque connue dans le monde entier, un business
man un peu globe-trotter,
Meccano fait son
come-back avec des vêtements pour enfants, des produits scolaires, et bientôt
des vélos et des montres.
C’est en 1901, le
long des docks de Liverpool, que Franck Hornby inventa le Meccano, le plus
célèbre de tous les jeux de construction.
« Parce qu’il
y a des rêves qui ne s’arrêtent jamais, tu peux maintenant vivre en
Meccano. »
Ces quelques lignes peuvent se lire au dos des
étiquettes des vêtements pour enfants qui font leur apparition cette années
avec la griffe Meccano.
Depuis quelques
mois une campagne de publicité télévisée était déjà lancée dans le but de
réveiller la marque.
Avec un petit spot
clin d’œil de trois secondes, laconique : « Meccano c’est Meccano ».
Et au dernier
salon du jouet, Meccano présentait ses nouvelles boîtes de jouets. A
l’intérieur toujours les mêmes pièces métalliques, le même jeu de construction
depuis quatre générations.
Mais l’emballage a
changé, et les robots figurent parmi les modèles proposés. Meccano renaît.
Pourtant le rêve a
failli s’arrêter pour de bon. Le sort de l’entreprise s’est joué en 1985.
General Mills, la
multinationale américaine, qui fabriquait le Meccano depuis dix ans dans une
usine à Calais, décide de concentrer ses forces sur le coeur
de son activité : l’agro-alimentaire.
General Mills ne
veut plus en entendre parler de Meccano. Et Kenner Parker, qui reprend sa
branche jouets, fait à son tour des choix sans nuances.
Le Jouet, d’accord, mais à condition de se
limiter à des marques mondiales avec des produits créés pour le marché
américain vendus ensuite en Europe.
Personnages de la
guerre des étoiles. Bisounours… Des jouets à la vie éphémère vendus à des
milliers d’exemplaires. Meccano est condamné.
Kenner Parker
décide de fermer l’usine de Calais et de vendre la marque. C’est alors que Marc
Rebibo entre en scène, en avril 1985.
Cet
expert-comptable à l’itinéraire imprévisible, businessman international, va
avoir comme il le dit lui-même, un « coup de coeur »
pour Meccano.
Passion n’exclut
pas son sens des affaires. Qu’observe Marc Rebibo ?
Une marque à la notoriété fantastique, déposée dans 130 pays, 60.000 m² d’usine
dans une région
– le
Nord-Pas-de-Calais – prête à se mettre en quatre pour conserver des emplois, et
un jeu auquel il pense pouvoir sans trop de mal redonner une nouvelle jeunesse.
General Mills
occupé à faire tourner jusqu’à 500 salariés en 3 x 8 pour inonder le marché de
ses jouets en plastique, avait négligé la fabrication des pièces métalliques du
Meccano dans un coin de la grande usine.
Et peu à peu, les
ventes de Meccano s’étaient endormies.
Jean-Marie Pennel, directeur financier des usines françaises de
General Mills depuis octobre 1984, chargé par les américains de négocier la
vente de l’usine, s’est pris…au jeu.
« J’ai voulu
vendre à quelqu’un qui ait vraiment la volonté de faire revivre Meccano, raconte-t’il.
Le projet de Marc Rebibo m’a séduit ». Les deux hommes se sont appréciés.
Jean-Marie Pennel est resté : il est maintenant
directeur de l’usine de Calais.
« A cette époque
il existait un dépôt secret en Alsace à Creuswaldt.
Un passionné de
Meccano, Jean-Max Esteve responsable d’une boutique
de vente de pièces détachées à l’enseigne : Jean Esteve
Objets, en avait été informé secrètement par madame Simone Lessart.
Simone Lessartest démonstratrice Meccano à la Samaritaine et une
fine connaisseuse du produit.
Il est vrai que
malgré les manquements des dirigeants de l’époque, les ateliers de la rue du
Maroc avec les frères Delalain et madame Francini
continuaient de construire.
Ils construisaient
surtout les superbes modèles spéciaux pour les vitrines des grands magasins,
tel que les Galeries Lafayette, le Printemps, la Samaritaine, et bien d’autres
encore.
C’est ainsi qu’un
jour d’octobre 1985 un semi-remorque s’arrêta en
double file devant le numéro 3 de la rue Jacques Callot afin de lui livrer ces
centaines de kilos de pièces Meccano qu’il avait commandé ».
COUP DE POUCE
Plus difficiles à
séduite ont été les banquiers. 1985 était une année noire pour le jouet
français.
Le succès des jeux
électroniques, la concurrence asiatique avaient provoqué la faillite de
plusieurs grosses sociétés du secteur : Mako, Bella.
Les banquiers n’y
croyaient pas, se souvient Marc Rebibo. L’industrie
du jouet est en crise. General Mills baisse les bras, objectaient-ils.
Vous avez
peut-être roulé votre bosse, mais vous ne connaissez rien à l’industrie.
Comment allez-vous pouvoir relancer Meccano ?
Le bourlingueur a
pourtant eut gain de cause. Il a mis 3 millions de
francs sur la table. Les banques ont complété à hauteur de 1 million.
Affaire conclue.
Le 1er octobre 1985, Marc Rebibo reprend Meccano avec
45 salariés. Le vendeur, même s’il n’a pas obtenu pour Meccano le prix qu’il
aurait souhaité, est bon joueur.
General Mills
donnera un coup de pouce au redémarrage de l’entreprise.
« Pendant les dix
premiers mois, General Mills a garanti à Meccano un volume de sous-traitance
suffisant pour utiliser le personnel », explique Jean-Marie Pennel.
Des facilités ont
également été accordées pour le stock de boîtes de jeu Meccano qui était
accumulé au cours des derniers mois d’activité de General Mills.
Le plan de Marc Rebibo pour Meccano comporte à la fois trois projets
parallèles et imbriqués.
Utiliser la
capacité d’injection plastique de l’usine, redonner vie à ce jeu de
construction et exploiter à fond la célèbre marque Meccano en dehors du jouet.
Premier volet : la
sous-traitance :
Pendant que ces
presses fabriquaient pour Kenner Parker des pions de Monopoly et des figurines
en plastique Jean-Marie Pennel s’est mis en quête de
donneurs d’ordres pour prendre la relève.
Mettant en avant
un potentiel important et sous utilisé. 50 presses 30 à 600 tonnes, Meccano
s’est peu à peu fait connaître en tant que sous-traitant.
Par exemple ses
machines à injection se sont pises à produire pour Humbrol,
un grand fabricant anglais de jouets qui confie à Meccano la fabrication des
maquettes Airfix.
De même pour
Flair, une société hollandaise qui lui fait faire du petit mobilier de jardin
et des paniers en plastique.
L’usine ne tourne
qu’à 20 % de sa capacité ». Précise Jean-Marie Pennel,
directeur et chef comptable de la société.
La sous traitance permet à l’entreprise de lisser la production,
car la fabrication du Meccano est très saisonnière.
Elle a un pic des
commandes au mois de juin et des livraisons concentrées sur les derniers mois
de l’année en vue des cadeaux de Noël.
Comme le souligne
Jean-Marie Pennel, aucun risque qu’elle n’entrave la
production du Meccano, dont l’outil est lui aussi largement surdimensionné par
rapport aux ventes actuelles :
Les presses
métalliques et la cabine de peinture sont capables de sortir jusqu’à 450.000
pièces par an, comme c’était le cas au début des années 1980.
Alors que Meccano n’en
a produit que 150.000 en 1986. Pourtant, l’effet de la reprise s’est fait
sentir immédiatement.
Les ambitions de
Marc Rebibo vont bien au-delà. Tout le travail de
modernisation du packaging entrepris l’an dernier a pour but de relancer le jeu
en France et à l’étranger.
Le design des
nouvelles boîtes, s’il met simplement Meccano au niveau des autres fabricants
de jouets, présente un net contraste avec l’ancienne formule.
La réaction des
grands acheteurs n’a pu qu’en être favorable.
Kenner Parker, qui reste le distributeur de Meccano, est optimiste.
S’il faut en
croire les vendeurs, les contacts pris au salon du jouet laissent présager un
nouveau doublement des ventes en 1987.
Jean-Marie Pennel, avec sa prudence de comptable, reste plus modéré.
Il table sur un chiffre d’affaires de 35 MF, contre 30 en 1986 (dont 13 MF pour
le jeu Meccano, le reste en sous-traitance).
Marc Rebibo de son côté, place de grands espoirs dans le
développement des exportations inférieures à 5 MF en 1986.
Et le potentiel du
marché anglais, par exemple est équivalent à celui de la France. Et Marc Rebibo a commencé à placer ses pions outre-Atlantique :
Canada, Etats-Unis.
D’emblée les
nouvelles notices ont été réalisées en sept langues.
Cette année, le
grand chantier de Meccano sera aussi celui de la marque. C’est là que réside
toute l’originalité et l’ambition du projet.
Avant de signer le
rachat de Meccano, Marc Rebibo avait demandé à
François Juhel, alors directeur de Daniel Hechter Junior, de plancher sur la question de la marque.
Qu’était-il
possible de faire sous le nom de Meccano ? La première réaction du spécialiste
de la mode enfantine fut plutôt tiède : à 50 ans François Juhel
avait relégué Meccano au fond du coffre à jouets.
L’enquête de
notoriété réalisée en novembre 1985 allait bouleverser son point de vue.
Le 1er janvier
1986, François Juhel quittait Hechter
pour se lancer aux côtés de Marc Rebibo dans
l’aventure Meccano.
Les résultats de
l’enquête de notoriété ont surpris même les partisans les plus fervents du
projet :
Il apparaissait
que Meccano avait une notoriété assistée de 70 % auprès des adultes et de 50 %
chez les enfants de 8 à 14 ans.
Ce dernier chiffre
a encouragé Marc Rebibo à poursuivre dans la voie
qu’il pressentait :
Exploiter à fond
les possibilités de la marque en créant une gamme de produits Meccano dont la
licence serait vendue à des industriels.
A partir de là,
François Juhet a défini deux axes stratégiques : «
Premier axe, les produits vecteurs du nom : vêtements pour enfants, papeterie,
sacs d’écolier.
C’est le plus
facile à lancer.
Le second axe
demande un travail plus long, plus sophistiqué. Il s’agit d’élaborer des
produits à partir du concept Meccano (solide, modulable, durable).
Nous étudions
actuellement des projets de vélos, de meubles d’enfants, de montres ».
Tandis que la
société Meccano se consacre au jouet, la société d’exploitation de la marque,
que dirige François Juhel, a été » créée pour lancer
tous les produits dérivés.
Dans la première famille
de produits, plusieurs licences ont déjà été signées.
-
Socotextile, à Macon,
fabrique les vêtements pour enfants.
-
Collaert, à Pont-Thierry,
les accessoires (ceintures, bretelles).
-
Chevalieras, les classeurs
d’écoliers ; Stypen, les stylos,
-
Et
une série d’entreprises italiennes produiront le matériel scolaire.
Chez
tous les fabricants la production est fondée sur les grandes séries et les
produits vendus dans les canaux de « distribution moderne ».
C’est-à-dire,
grands magasins, vente par correspondance, grandes surfaces.
Les vêtements
d’été apparaîtront les premiers ce printemps, suivis par les matériels
scolaires à la rentrée.
A terme, pour que
joue à plein ce que Marc Rebibo appelle ‘’ l’impact
de rappelle de la marque’’ Meccano espère pouvoir vendre au distributeur le
concept de « corner ».
Blouses, jeux,
cahiers, vélos de cross : tous les produits Meccano réunis dans un même espace.
Le corner, c’est à
la fois le rêve et cauchemar de François Juhel : «
L’idée est très difficile à négocier pour le moment ».
Autre difficulté :
Créer des produits à la fois originaux et facile à fabriquer pour être vendus
en grande quantités et à bas prix.
Un vrai casse-tête
pour la bicyclette ou le mobilier pour enfants ! Mais François Juhel s’empresse d’ajouter :
« Nous bénéficions
d’un fantastique capital de sympathie pour le produit ».
Meccano fait
véritablement partie de la culture des chefs d’entreprise avec lesquels nous
sommes en contact ». Comment appelle t’on cela ? La magie Meccano ?
Jean-Max
Estève